Fabrice Autané et Pascal Payen-Appenzeller : Le noir comme couleur
L’œuvre de Sylvia RHUD est pleine de paradoxes : cette œuvre qui pourtant est profondément chtonienne, tellurique, n’en demeure pas moins empreinte de subtiles épaisseurs atmosphériques. Le feu est également présent par les matières visqueuses de certaines de ses œuvres, semblables à celles que peuvent cracher un volcan. Enfin, pour clore cette « tétralogie des éléments », l’eau y est représentée, comme dans l’œuvre intitulée « La Vague, la Nuit était gris-bleu ». C’est en effet l’élément minéral qui incontestablement prévaut dans l’œuvre de Sylvia RHUD, par le traitement de sujets tels que « Before », mais surtout par le choix du traitement de la matière de ses œuvres.
L’artiste utilise d’autres média que l’huile, l’acrylique, l’aquarelle ; elle utilise des techniques apprises, et largement éprouvées, auprès des Meilleurs Ouvriers de France. Ses œuvres ainsi accrochent la lumière : élément qui intervient afin de transformer ces tableaux bidimensionnels en de véritables sculptures.
Cette lumière n’est pas un élément mais une matière elle-même, un médium qui interagit avec les autres. Alors que Rothko transformait la couleur pour fabriquer de la lumière, Sylvia RHUD exploite la lumière pour « faire fonctionner » son tableau, lui créant ainsi une dynamique. La minéralité se révèle pleinement par l’action de la lumière qui joue à la fois sur la trituration de la « polychromie », la matité ou non de la matière ; cette lumière travaille ainsi sur le relief, quasi sculptural, intensionnel. La combinaison surface « polychrome »/ matière/ relief, conjugués à la lumière, explose dans une vibration de la surface.
Le jeu des matières mates, parfois veloutées, qui « engloutissent », absorbent la lumière et les surfaces plus soyeuses voire métalliques qui au contraire la restituent, provoque un contraste que la lumière sculpte, stimule, fait vibrer au grè de l’heure de la journée, de l’exposition de l’œuvre.
Alors que dans l’œuvre de Soulages la surface picturale présente une matière « mono pigmentaire à polyvalences chromatiques » donc statique, sauf contribution de la lumière, l’œuvre de Sylvia Rhud se métamorphose, certes, « en se frottant à la lumière », mais cette œuvre dispose d’une réelle autonomie grâce à la « trituration » subtilement et savamment contrôlée de la matière par l’artiste.
Fabrice Autané et Pascal Payen-Appenzeller